Ce que j’ai appris d’une journée de script-doctoring

Le week-end dernier, j’ai eu la chance d’obtenir un rendez-vous avec un scénariste sénior. L’idée à la base était simplement de parler de mon projet, mais de fil en aiguille, nous avons commencé à faire une re-lecture de mon scénario. Dans cet article, je veux te partager ce que j’ai appris de cette re-lecture sur l’art du scénario.

Quand couper une scène ?

Je n’ai jamais trop su quand couper une scène. La couper trop tôt me semblait couper la “vie” intérieure de mes scènes et trop tard rendre l’action plombante.

Je me suis rendu compte que j’avais tendance à couper trop tard mes scènes, quant ‘information essentielle pour faire avancer le récit est déjà passée. Je pense qu’il faut saisir le “beat” de votre scène. L’information vient de passer ? COUPE ! Ne t’éternise pas, sans pour autant finir sur des cliff-hangers à chaque fin de scène avec des personnages s’écriant “Oh mon Dieu !”.

Le bon exercice à mon sens est de cibler les phrases qui’ n’apportent rien à ta scène. Attention, quand je dis apporter à la scène j’entends par là que :

  • Soit la phrase n’a pas d’information interne pour faire avancer le récit.
  • Soit la phrase ne dit rien sur ton personnage.
  • Soit la phrase n’amène rien par la suite.

Voilà donc un premier conseil, coupe tes scènes avant que le public s’endorme. Il y a quelque chose d’assez chouette quand la fin de la scène fonctionne, quand elle se coupe pile-poil au bon moment ! Vous devez le sentir.

Ose tes scènes !

Dans notre première version de Bitume, Léo (mon co-auteur) a écrit une super scène. Mais, nous ne l’avons pas exploité au maximum.

Je crois qu’on a eu un peu peur de cette scène. On ne voulait pas mettre les deux pieds dans le plat. Parfois, c’est quand on sent qu’on tient quelque chose qu’il faut y aller ! Il faut aller la chercher cette scène !

La technique : si vous sentez que vous pouvez obtenir plus d’une scène foncez ! Il n’y a pas de raison de ne pas essayer, au pire vous pouvez l’effacer. Osez vos scènes !

Des choix en dilemme :

J’ai beau le lire, l’écrire dans ce blog, je réalise enfin la portée de ce conseil. Comme quoi !

Je le répète tout le temps mais ton personnage doit faire des choix. C’est la base d’une histoire.

Pour être plus précis, ces choix doivent découler de dilemmes. Et des dilemmes très très clairs. C’est à ce moment là que vous définirez très clairement votre personnage.

En étant face à un dilemme, ton personnage se définit très nettement et se dégage de ta scène une véritable tension dramatique.

Et bien ça, je ne l’avais compris qu’à moitié.

La technique : mets ton personnage face à des dilemmes. Ne lui fais pas faire des choix sans intérêts.

Ne dis pas, montre.

Encore un conseil que je ne fais que répéter sans arrêt mais que je n’applique qu’à moitié.

C’est le premier retour que j’ai eu du scénariste en question : “Tu dis trop.”.

C’est ce qui fait véritablement la différence entre un scénariste avec de l’expérience et un scénariste débutant c’est sa capacité à faire passer les informations sans les dire.

Sur les premières scènes de BITUME, toutes les informations qui pouvaient être montrées au lieu d’être dites ont été transformées.

La technique : essayez de passer le plus d’informations par le regard. Tentez l’expérience avec votre projet.

Attention aux expressions.

Dans BITUME, notre personnage principal utilise des expressions un peu vieillottes. Et mon “script-doctor” l’a bien souligné.

Et les expressions ont tendance à ancrer le personnage dans une temporalité et dans un contexte social. En soit, cela peut être un véritable ajout de sous-texte pour votre histoire, mais vous pouvez aussi perdre votre personnage dans une temporalité qui n’est pas la sienne.

Il est essentiel de faire des recherches et d’être au plus près de la réalité lorsque vous utilisez des expressions. C’est un jeu dangereux. Vous pouvez vite nous sortir de l’histoire.

Vous pouvez aussi vous faire relire par quelqu’un de proche du milieu dans lequel évolue votre personnage si vous n’êtes pas sur à 100% de ce que vous faites.

La technique : évitez les expressions si vous n’êtes pas assez renseigné. Sinon, renseignez vous un maximum.

Mettre en scène des dispositifs de dialogue.

Celui-ci c’est mon conseil préféré. Sans tomber dans le théâtre, mettez en scène des dispositifs d’interactions.

On a tendance à écrire des dialogues en 1vs1, une sorte de face à face très plat. Essayez d’inventer des dispositifs : des discussions de groupe, un personnage fait quelque chose pendant qu’un autre lui parle etc. Donnez de la vie à ces dialogues. Pensez à Molière, c’était un as de ce genre de dispositif.

Ou encore au Cyrano de Bergerac !

Vous gagnerez en dynamisme à coup sûr !

La technique : Si un dialogue est trop plat, essayer d’y mettre de la vie !

Regardez cette scène du Loup de Wall Street. Elle est absolument génial parce que le dispositif autour de l’échange est insolite. Dicaprio comme son nouveau métier de trader débutant. Il n’a que très peu d’argent et manque de confiance en lui. Une super star du trading l’invite dans un restaurant de luxe. Pour Dicaprio c’est un véritable privilège qu’il ne peut pas se payer. Il est géné par sa propre condition sociale, il ne sait pas où se mettre. La super star du trading elle, se permet tout est n’importe quoi. Il est comme au MacDonald. Il y a un décalage énorme entre ces deux mondes. La super star du trading demande à Dicaprio de chanter avec lui faisant sauter un verrou dans son manque de confiance en lui. Malin !

Des informations passées à la trappe.

Dans Bitume, notre personnage principal, Merlin, un routier travaillant h24, passe en camion devant un panneau direction Épinal. Épinal, c’est la ville dans laquelle vit sa fille. L’idée c’était de le mettre face à ce dilemme entre : s’occuper de sa fille ou travailler. Sauf, que l’information Épinal est mise dès la première scène mais qu’il est absolument impossible que vous vous en souveniez au milieu du film. Ce genre d’information, personne ne s’en rappelle. Pour la faire rentrer dans la tête des gens, il va falloir trouver une manière de le faire.

La technique : attention aux informations. Pour faire en sorte que le public s’en rappelle, trouvez un moyen original de lui faire intégrer l’information. Ca peut être un running gag, une blague sur le sujet, qu’importe, rendez l’information importante.

Notre rôle en tant qu’auteur est de distiller les informations qui feront avancer l’histoire. Mais attention à ne pas faire déborder le vase. Chaque information doit être vue comme une balle dans votre barillet. Vous appuierez sur la gâchette au bon moment.

Ce sera tout pour aujourd’hui, j’espère t’avoir aidé et donné des idées.

Dernier conseil : n’hésite surtout pas à te faire lire par des gens plus avancés que toi. C’est vraiment à ce moment-là que tu apprendras et que tu avanceras. Il y a énormément de choses à apprendre sur notre route de scénariste alors autant t’entourer de gens bienveillants qui te feront progresser.

Je te dis à bientôt sur apprendre le scénario !

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Cliquez sur une étoile pour voter

Note moyenne 5 / 5. Votes comptés 5

Soyez le premier à noter l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Retour haut de page