Qu’est ce qu’un deus ex machina ?

Je suis à découvert.

Mon banquier m’appelle, je lui raccroche au nez. Il me laisse un message : “Bonjour Monsieur Meyrieux, nous sommes obligés de bloquer votre carte.”

Merde.

Je m’allonge dans mon canapé. Je zappe. TF1. C’est l’heure du tirage du LOTO. J’allais oublier : j’ai acheté un ticket cette semaine. Les numéros tombent. J’ai gagné 27 millions d’euros.

FUCK LE CRÉDIT AGRICOLE ! Je suis riche.

Je viens de vivre (c’est un exemple, vous affolez pas.) un vrai deus ex machina.

Qu’est ce que le deus ex machina ?

Dans le Larousse, on trouve deux définitions :

Dans une pièce de théâtre, intervention d’un dieu, d’un être surnaturel descendu sur la scène au moyen d’une machine.
Personnage ou événement inattendu venant opportunément dénouer une situation dramatique.

Larousse

Comprenez ici que le deus ex machina est un procédé dramatique venant résoudre “comme par magie” le problème du héros.

Traduit littéralement deus ex machina veut dire : Dieu hors de la machine. A l’époque du théâtre grec, il était courant de voir une divinité sortir d’une trappe (hors de la machine) et sortir le héros du pétrin. Il allait mourrir ? La divinité le sauve. Il est fauché ? La divinité lui apporte de l’argent par miracle.

Liste de deus ex machina vus et revus

• Le coup du “c’était un rêve” ! TADAM !
• Le coup du la nature sauve le héros. Une arme bactériologique sauve le monde des extraterrestres.
• Le coup du “gagnant au LOTO”. Des problèmes d’argent à résoudre ? Le héros gagne au Loto : plus de problème. Ca marche aussi avec l’héritage de Papy Bernard.
• La guérison miracle et la mort inopinée.
• Le coup du “J’ai plus de balle Colonel !”. Votre héros va se faire tuer ? Le fusil s’enraye ! Ou le soldat n’a plus de balle !
• Etc …

Pourquoi est-ce une facilité ?

Dans Construire un récit, Lavandier décrit particulièrement bien ce procédé et ses limites :

Un deus ex machina est un élément narratif qui vient aider le protagoniste et donne l’impression désagréable de surgir de nulle part. En réalité, le spectateur sent bien que cet élément ne surgit pas de nulle part mais du chapeau de l’auteur, ce qui le rend encore plus désagréable. Au sens large, un deus ex machina est toute facilité qui arrange l’auteur.

Construire un récit, Lavandier, p250

Mais alors pourquoi est ce que nous ressentons ça en tant que spectateur ?

La réponse est assez simple : nous venons voir un film pour voir le héros résoudre le problème. C’est ce qui fait de lui un héros ! Le problème ne peut pas se résoudre tout seul. Ce serait trop facile et profondément injuste.

Je pense que cette nécessité se base sur un biais cognitif très puissant : la croyance du monde juste décrit par le psychologue social Melvin J. Lerner. Nos systèmes de croyances profondes veulent que l’on mérite ce que l’on obtient. Plus loin encore, 50 cent, qui n’était pas psychologue social pour autant ne dira pas : What goes around comes around (Qui sème le vent récolte la tempête) ?

Ce que vous devez comprendre c’est que l’intrigue ne peut pas se résoudre toute seule. Ce serait trop facile. Votre rôle en tant qu’auteur est de trouver comment votre personnage réagit au problème de l’histoire et comment il trouve son chemin pour le résoudre. C’est toute la difficulté ! Autrement, votre scénario paraîtrait “trop facile” et peu inspiré. C’est votre responsabilité de trouver des rebondissements crédibles et de ficeler votre intrigue avec inventivité.

Quoi que …

Certains grands noms du cinéma en revanche jouent de cette facilité scénaristique comme un élément de surprise et de style.

Dans le Grand saut des frères Coen, il y a cette réplique amusante en plein Deus Ex Machina : « Oui, je sais, ça ne se fait pas… Mais, vous avez une meilleure idée ? »

Le deus ex machina n’est pas une no go zone. Il peut être l’occasion de surprendre le spectateur. Mais attention ! Cela demande une maîtrise absolue de l’art dramatique. Sinon, gare à l’effet “Tout ça pour ça ?”.

J’espère avoir pu vous aider.

Je vous dis à bientôt.

Timothée