Connaissez-vous l’effet Koulechov ? Rassurez-vous. Ce n’est pas une arme russe de destruction massive. En fait, c’est un effet de montage de cinéma attribué comme son l’indique à Lev Koulechov, un réalisateur de film soviétique.
Alors directeur de l’institut supérieur cinématographique d’état, ce cinéaste russe mène une expérience inédite et légendaire auprès de ses étudiants en 1921. Cette initiative donne alors naissance à un effet de montage surprenant à l’époque : le fameux effet Koulechov (encore appelé effet K). Celui-ci permet de changer la signification d’un plan en utilisant le montage d’un film.
Envie d’en savoir plus ? Vous êtes au bon endroit. Vous allez découvrir le fonctionnement de cet effet et son intérêt.
Qui est Lev Koulechov ?
Après la mort de son père, Lev Koulechov décide à l’âge de 18 ans de s’installer à Moscou et suit des cours à l’académie russe des beaux-arts. Par la suite, il devient rapidement l’assistant du plus célèbre réalisateur russe de l’époque, Evgueny Bauer.
Pendant la révolution russe de 1917, Lev Koulechov est engagé comme reporter par les révolutionnaires. Par la suite, le parti bolchevique le nomme chef du service des actualités de l’armée rouge.
En 1920, on lui demande de prendre en charge une formation pour former de nouveaux comédiens pour le cinéma. Mais le manque d’électricité et de pellicule ne lui facilite pas la tâche. C’est à ce moment que Koulechov fait appel à toute sa créativité et tente alors diverses expériences innovantes.
Il voit le cinéaste comme un artiste-peintre. Le montage d’un film devient pour lui alors l’essence même de l’art cinématographique. De ces réflexions, le jeune cinéaste imagine de nouvelles techniques pour monter un film. Il teste ses idées avec l’aide de ses étudiants. L’effet K est alors le fruit de cette volonté de pousser le cinéma comme un véritable art singulier.
Par la suite, Koulechov réalise de nombreux films dont « Dura Lex » en 1926, considéré comme son chef-d’œuvre. La reconnaissance internationale vient tardivement en 1966 avec sa participation au jury de la Mostra de Venise.
Effet Koulechov : comment fonctionne-t-il ?
Pour comprendre parfaitement le principe l’effet K, remontons le temps en 1921 à l’époque de cette mythique expérience cinématographique.
Au début des années 20, l’acteur Ivan Mosjoukine est une véritable vedette du cinéma russe. Lev Koulechov choisit un gros plan de cet acteur avec expression neutre pour son expérience.
Ensuite, le réalisateur russe choisit 3 autres plans complètement différents les uns des autres :
• Le premier plan montre une assiette de soupe posée sur une table,
• Le second affiche un enfant décédé dans un cercueil,
• Le troisième représente une jeune femme allongée sur un canapé.
Koulechov réalise 3 montages différents avec le même plan de l’acteur associé aux autres 3 plans.
Il propose alors à ses étudiants de visionner les 3 séquences et de les commenter. Les disciples sont alors enthousiastes sur le talent de l’acteur. Selon eux, l’acteur a parfaitement exprimé successivement la faim, la tristesse et le désir ! Il en est rien puisqu’il s’agit bien du même plan de Mosjoukine…
Koulechov vient alors tout juste de démontrer que le montage d’un film influe directement sur le sens et la signification des séquences. En effet, le cerveau cherche un sens et une signification logique à une juxtaposition d’images sans lien direct.
Ainsi, la puissance du montage est démontrée. Le réalisateur peut manipuler les images pour influer sur les impressions et les émotions des spectateurs.
Cependant, cette expérience relève de la légende. Aucun élément crédible atteste le fait que Koulechov a bien mené lui-même cette expérimentation. La légende urbaine irait même jusqu’à dire que le terme “effet” viendrait tout simplement du prénom “Lev” prononcé très rapidement. Lev Koulechov devenant avec un petit rhume “L’effet Koulechov”.
3 raisons d’utiliser l’effet Koulechov
Le cinéma raconte des histoires et provoque des émotions fortes. Pour parvenir à ce résultat, le jeu des acteurs et la prise de vue sont évidemment des éléments importants. Le montage permet de rythmer la narration et de mettre en relief certains passages du film. L’histoire alors prend vie.
L’utilisation de l’effet K lors du montage présente plusieurs intérêts pour un personnage en question :
1. Renforcer ses émotions.
L’effet K est au service de l’histoire et du film. Les cinéastes l’utilisent pour préciser ce que ressent un personnage à un moment précis. En effet, le jeu de l’acteur peut être insuffisant pour la compréhension du spectateur. L’utilisation de cet effet de montage permet de clarifier et amplifier l’état émotionnel du personnage.
2. Souligner sa réaction.
Pendant un moment clé d’une action, le réalisateur peut filmer un personnage en gros plan afin de se concentrer sur sa réaction émotionnelle. Ainsi, l’effet K permet d’accentuer la réaction émotionnelle du personnage dans le contexte d’une scène.
3. Préciser sa pensée
Plusieurs grands cinéastes utilise l’effet k pour entrer dans le cerveau d’un personnage afin de préciser sa pensée dans l’instant. Pour obtenir ce résultat, les réalisateurs utilisent au moins 3 plans successifs différents.
Hitchcock et l’effet Koulechov
Le maître s’est intéressé de près aux techniques de montage. C’est bien connu. Évidemment, il s’est approprié le légendaire effet Koulechov. Il en parle dans plusieurs interviews de référence dont celle pour l’émission Telescope en 1964.
Hitchcock a ainsi adapté l’effet K en utilisant 3 plans successifs :
1. gros plan du personnage.
2. plan d’une scène différente.
3. gros plan de réaction du personnage.
Prenons un exemple concret. Hitchcock va réaliser d’abord un gros plan d’un vieil homme en train de plisser les yeux. À ce moment, la pensée du personnage n’est pas tout à fait clair pour le spectateur. Que regarde-t-il ? Que pense-t-il ? Qu’est ce qui se passe vraiment ?
Du coup, le réalisateur montre un deuxième plan où une mère s’occupe de son bébé. À ce stade, on sait ce que fixe le personnage. Néanmoins, on en sait pas vraiment plus sur ses pensées et ses émotions.
À ce stade, Hitchcock montre un troisième plan. Dans celui-ci, le réalisateur montre cette fois-ci en gros plan l’homme en train de sourire. Le spectateur conclut alors que le personnage est bienveillant avec cette jeune femme et son enfant.
Maintenant imaginez un second plan complètement différent dans cette séquence. Cette fois-ci, une jeune fille en bikini remplace alors la mère et son bébé. Comment le spectateur interprète alors cette séquence modifiée ? Le vieil homme est perçu comme un pervers dans ce nouveau montage.
De Steven Spielberg à Christopher Nolan, les meilleurs réalisateurs de cinéma utilisent encore aujourd’hui les principes de l’effet K en l’utilisant à leur manière.
J’espère avoir pu vous aider.
Je vous dis à très vite.
Je m’appelle Timothée, je suis un jeune auteur passionné. Je partage sur ce blog tout ce que j’apprends sur mon chemin d’auteur en herbes.